Wild and Wonderful
Plus ca vient, plus
je me dis qu’il y a un air d’Amérique a Agde. Ou un air d’Agde dans l’Amérique,
je ne sais plus trop. Mais pour Agde, il s'agit de singerie, c'est une maison
de poupées. C'est une Amérique qui n'aurait pas les moyens. Ils en ont rêvé,
mais obviously, ils ont rate les USA. C'est de l'ordre du guignol et du Platon,
toujours ces fantômes qu'on poursuit. Agde vit dans une mythologie qui ne lui
appartient pas. La téloche y a propulsé un peu de rêve, du genre cathodique, en
bombardement. Pas de différence entre les avions de l'US Air Force sur les
villages normands et les séries télés : les Etats-Unis ont donné dans le
massif, le colossal, et ont colle un rêve en Placoplatre sur la culture creuse
des nouveaux petits-bourgeois.
Le plus parfaitement
symptomatique : Hyper U et tout le bordel alentour. Ca, c'est du mall en
carton pâte, précisément une copie, un simulacre. Le mall a qui l'on
aurait ôté toute sa puissance hallucinatoire, sa capacité d'attraction magnétique,
pour n'obtenir au bout du compte qu'un quelconque centre commercial, qui révèle
au grand jour la dialectique de l'ordinaire et du spécial. Et parce que sous
une forme ou un autre on y a injecte un peu de "notre civilisation",
en vérité nous n'avons fait que le purger de sa grande spécificité, c'est à
dire la grande machinerie, quelque peu trash, totalement absurde de la société
de consommation. Nos esprits pascaliens ne savent pas quoi faire du Vide, alors
nous le remplissons. A l'inverse, les américains ont compris comment faire du
non-sens un sens, et comment la vacuité existe par elle-même. Je veux dire, per
se. Le paradoxe est simple : Agde cherchant à faire une chose spéciale, la
rend au final tout a fait ordinaire, banale et inutile ; c'est en forçant sur
l'ordinaire que l'Amérique développe son potentiel d’extraordinaire.
Et ca marche en demi-teinte.
Les agathois sont comme des mouches qui vont voler un peu sur la confiture
(sauf qu'ils vont à Hyper U en voiture), comme si elles ignoraient que leurs rêves
étaient peuples de charogne, de fiente et d'ordure. Au fond, nous n'avons pas
la puissance de la fatuité, la grande énergie de l'Absurde. Tous nos problèmes
existentiels viennent de ce que nous créons encore des concepts. C'est que
Camus a écrit des livres pour nous. Mais les américains n'ont jamais eu besoin
de ses concepts, parce qu'ils les avaient déjà compris plus avant, d'ou que de
Sisyphe, et plus encore de Blaise Pascal, ils n’ont rien à faire.
On a plagié les
modes de vie aussi. Les petites boites, les voitures, toute l'énergie optimiste
de l'individualité. Là encore en vain, puisque notre foi en le Néant n'est pas
assez grande pour y consacrer l'énergie suffisante. Quelle abnégation faut-il
pour créer ces systèmes fondes sur rien et qui n'accouchent que d'eux-mêmes.
Voila le pays de Stirner dans le mesure ou il n'a fonde sa cause sur Rien.
It doesn't make sense ; ça ne fait pas sens. Le biglotron américain ne
sert qu'a produire et reproduire des engeances toujours plus folles et plus
monstrueuses, comme ces gratte-ciels qui ont pousse et poussent encore dans les
CBD, et dont on croirait qu'ils s'engendrent les uns les autres, comme
une mitose, comme un cancer. Mais Agde se cantonne au médiocre, de peur d'y céder
totalement. Il n'y a plus que l'énergie du désespoir qui pourrait la plonger
(enfin complètement) dans l'hystérie et le capitalisme.
C'est un problème
de culture. Nous voulons voir l'Histoire comme une marche, un processus, une
vague. Mais tôt ou tard les vagues meurent sur la plage, et de proche en proche
nous ne sommes plus que dans la sauvegarde, la compilation, l'archivage, le
bouillonnement et le ressassement des données de notre passé. Je ne dis pas que
l'Amérique n'a pas de culture. Au contraire. Mais la grande différence réside
dans le fait que chaque année, peut-être même chaque minute, tous les compteurs
sont remis a zéro. Ils effacent l'Histoire au fur et a mesure qu'ils l'écrivent.
C'est de ce pouvoir autodestructeur que nait également son pouvoir générateur.
Sur ce plan en effet, après Guy Debord je dis : "Paris n'existe plus",
dans la mesure ou l'Europe n'a plus la chance des créer des mythes a cent a
l'heure, je veux dire ses propres mythes, des mythes ou se faire une drôle de
niche, un coin dans l'existence, une niche proactive. La différence entre nos
mythes et les leurs, c'est que les nôtres ne sont pas aléatoires. Nous avons Vercingétorix,
Napoléon, Paris, Descartes, Sartre et de Gaulle. Autant dire qu'il y a 50% de
fantasme et 50% de sueur dans ce que nous avons fait de mythique. L'Amérique a
New York, Elvis, sa Constitution, Kennedy une balle dans la tète uniquement,
ses neighborhoods, ses flingues et ses grosses bagnoles. En somme, rien que du spontané,
100% de chaos dont émerge 100% de mythes. Notre cinéma veut influencer nos vies
; le leur n'en est que le reflet, l'hologramme. L'Amérique a ceci de grandiose
et de désespérant qu'ils ont invente le plus vif de tous les mythes : le mythe
de la banalité.
La preuve, c'est
Vegas, qui est comme un temple dédie au culte de l'absurdité, au milieu du désert.
Il y a comme une charge d'ironie dans les répliques en polystyrène de Gizeh et
de la Tour Eiffel. Certes n'y a-t-il rien d'authentique, mais c'est dans cette
plastique creuse que nait l'authenticité américaine elle-même, celle que nous
avons perdu le jour où l’on a voulu construire nos Phenix et poser nos
parpaings couleur de mauvais ocre. Parce que cette esthétique du Non-Sens, au
final, ne nous appartenait pas. L'Amérique a fait de ses mythes sa nourriture, tant
et si bien qu’à Vegas, c'est l'eau qui est arrivée en dernier. Ce n'est pas
sans effort. C'est ce qu'il y a de beau et de profondément désespérant dans ce
pays. Eux seuls les ont trouvés, les architectes pour leur construire des
maisons sans pièces et les urbanistes pour leur dessiner des chemins pour nulle
part, et les temples ou l'on ne prie pour rien.
PS: Le lecteur me pardonnera quelques accents oublies pour cause de clavier qwerty.